LeafLitterOME

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ecologie moléculaire de la decomposition des litières de feuilles

Responsable scientifique : Marc Buée ( UMR 1136  Interactions Arbres/Micro-organismes – IAM )

Partenaires Labex : Biogéochimie des Ecosystèmes Forestièrs (BEF)

Collaboration :Bernd Zeller (BEF) & Francis Martin (IAM)

_____________________________________________________________________________

Contexte — Le carbone terrestre (C) est majoritairement localisé dans les sols et, dans les écosystèmes forestiers, une grande partie de ce C séquestré s’accumule dans la litière du sol. Les feuilles mortes (litière) sont colonisées par des bactéries saprophytes, mais surtout par des champignons décomposeurs et des champignons ectomycorhiziens. Les champignons saprophytes sont les principaux décomposeurs du bois et de la litière de conifères et de feuillus. Cependant, les champignons ectomycorhiziens semblent dominer les communautés fongiques, où ils rentrent spatialement en concurrence avec les décomposeurs de feuilles pour l’acquisition des nutriments. Parce qu’ils sont alimentés par les sucres issus de la photosynthèse de leurs plantes hôtes et ne dépendent pas de l’énergie de la matière organique, ils sont très compétitifs et monopolisent les nutriments des litières pour eux-mêmes et leurs hôtes. Les champignons mycorhiziens jouent ainsi un rôle majeur dans le recyclage de la litière accumulée sur le sol de la forêt, qui représente potentiellement la principale source de N pour la croissance des plantes, et donc dans le cycle de l’azote (N).

Objectifs — Le projet « LeafLitterOME » propose une étude intégrée des mécanismes moléculaires et biochimiques conduisant à la compréhension des liens entre la chimie de la matière organique, la composition de la communauté microbienne et les activités enzymatiques exprimées au cours de la décomposition des litières.

Le projet passera en revue (1) les changements dans la composition chimique des litières par des techniques spectroscopiques et spectrométriques, (2) la composition du microbiome associé, par séquençage à haut débit de l’ADNr, (3) le transcriptome des espèces de champignons les plus abondantes, et (4) les activités des enzymes et des protéases sécrétées qui dégradent les débris végétaux et / ou microbiens de la matière organique du chêne. Ces expériences seront conçues pour définir des réseaux trophiques et des liens fonctionnels entre les activités de micro-organismes décomposeurs, les symbiotes ectomycorhiziens et la chimie de la litière.

Démarche — Cette recherche propose, par des analyses de génétique moléculaire de la composition et de l’activité de la communauté microbienne, de comprendre les interactions entre les décomposeurs de feuilles et les champignons symbiotiques. Des sacs de litière récoltés sur le terrain seront exploités pour la métagénomique et l’analyse de la chimie. Cette démarche vise à :

(1) mesurer la dégradation (perte de masse) et les changements dans la chimie de litière lors de la décomposition, en particulier par spectroscopie ;

(2) surveiller les changements dans la composition des communautés microbiennes (champignons ectomycorhiziens, décomposeurs des feuilles, des bactéries saprophytes) au cours de la dégradation de la litière de chêne, par séquençage à haut débit de l’ADNr ;

(3) évaluer l’expression des gènes des symbiotes ectomycorhiziens les plus abondantes et des décomposeurs de litière lors de leurs interactions par RNA-Seq.

Résultats marquants

  • Au cours de l’automne 2013, des litières foliaires ont été collectées sur deux placettes forestières de chêne sessile : forêt de Champenoux (54) et forêt de Breuil (58). Des données antérieures ont montrée que ces deux litières étaient caractérisées par des concentrations différentes en Ca et Mg, mais variaient peu dans leur composition biochimique. Début janvier 2014, pour chaque type de litière, trente sachets (“litterbags” de 9.5 ´5cm, avec une porosité de 1.4 ´ 1.8 mm) ont été placés sur le dispositif expérimental de la forêt de Champenoux (site du réseau MOS).
  • La décomposition des deux catégories de litière de chêne a été suivie au cours des années 2014 et 2015 (monitoring toujours en cours). La cinétique de dégradation montre, durant les premiers mois, une perte de masse plus importante pour les feuilles issues du site de Champenoux. Les feuilles du site de Breuil montrent une biodégradabilité plus lente (Fig.1) : perte de 15% de MS pour les feuilles de Breuil et de 25% pour celles de Champenoux. Au cours des 12 derniers mois, cette tendance n’est plus significative et l’on observe une forte hétérogénéité dans la dégradation des échantillons.
  • Parallèlement à ces mesures, un sous-échantillonnage a été réalisé (n=3 par traitement) périodiquement et placé à -80°C pour les analyses moléculaires ultérieures et les mesures NIRS / MIRS.
  •  Le printemps 2014 et l’été 2015 ont été marqués par une sécheresse importante. Ce manque d’eau a conduit à un fort ralentissement de la dégradation des feuilles au cours de ces périodes et a nécessité un suivi plus long des échantillons in situ. Compte tenu de la dynamique de dégradation de cette matière organique, les prélèvements devraient continuer jusqu’à l’hiver 2015-2016.
  • Dans cette attente, une mise au point de l’extraction des ADN metagénomique a été réalisé avec succès sur des échantillons de litière de chêne (projet FRB, NPDC), afin de réduire la co-extraction des inhibiteurs potentiels de PCR (polyphénols et extractibles de la matière organique).

Principales conclusions

Nos résultats montrent bien une biodégradation différente des deux litières de chêne sessile dans les premiers mois. L’analyse en cours des profils NIRS / MIRS (échantillons des 12 premiers mois) devrait permettre d’identifier certains déterminants chimiques liés à la relative « récalcitrance » de cette matière organique. Par ailleurs, l’étude de la composition en espèce au cours du temps devrait permettre de définir la succession des acteurs microbiens au cours de la biodégradation des litières. Ces analyses devraient permettre de corriger partiellement l’hétérogénéité mesurée.

Compte tenu de la très lente dynamique de dégradation de ces litières, un dernier échantillonnage doit être réalisé début 2016. Les analyses moléculaires définitives et les mesures NIRS / MIRS seront obtenues durant le printemps 2016.

Malheureusement, le volet du projet soumis au JGI en 2013 n’a pas été financé. Une large partie des approches fonctionnelles ne pourront donc pas être réalisées (initialement prises en charge par le U.S. DOE Joint Genome Institute (Walnut Creek, CA), le U.S. DOE Environmental Molecular Sciences Laboratory (EMSL) et le Sveriges Lantbruks Universitets (SLU) à Uppsala et Lund). Cependant, la mise au point de l’extraction des ARN messagers des champignons a pu être mise au point dans notre laboratoire sur des échantillons de sol du même site forestier (Figure 2). Ce matériel a été récemment séquencé pas le JGI.

Perspectives —

Le matériel disponible permettra cependant une analyse fonctionnelle ciblée des CAZymes exprimées lors de la succession des espèces microbiennes. Les analyses de corrélations seront réalisées entre profils NIRS/MIRS et données taxinomique et fonctionnelles.

Une publication, sur la succession des communautés fongiques au cours de la dégradation des litières, sera rédigée en seconde partie de l’année 2016.

_____________________________________________________

Légende pour la photo 
Crédit : Marc Buée
Anthina flammea se développant sur des feuilles de hêtre