En s’appuyant sur > 10 000 mesures d’accroissement radial des placettes de l’Inventaire Forestier National, nos collègues du Laboratoire d’Inventaire Forestier (IGN) ont évalué les anomalies annuelles de croissance de huit espèces de conifères majeures dans le secteur forestier français et européen sur la période 2006-2016. Les huit espèces sont : l’épicéa commun, le Douglas, le sapin pectiné, le pin maritime, le pin sylvestre, le pin de Corse, le pin d’Alep et le mélèze européen. La croissance radiale de ces espèces a été modélisée dans des peuplements purs et réguliers, c’est-à-dire des peuplements avec une seule essence présente et des arbres aux dimensions à peu près similaires, pour limiter les effets de la composition et de la structure du peuplement sur la croissance. Ce type de peuplements est aussi celui majoritairement utilisé en sylviculture des conifères en France de nos jours. Chaque espèce a été modélisée dans autant de contextes bioclimatiques que possible. En tout, 16 systèmes forestiers ont pu être étudiés (Fig. 1A). Les données de croissance ont d’abord été filtrées de tous les effets non-climatiques, comme l’effet de la taille de l’arbre, de la structure du peuplement et du type de sol, par modélisation afin d’isoler les anomalies de croissance liées au climat uniquement. Les tendances décrites par ces anomalies de croissance ont ensuite été comparées à des variables environnementales, comme les changements climatiques saisonniers en température et précipitation sur la période d’étude.
Clémentine Ols et ses collègues ont ainsi observé que les tendances de croissance sur la période 2006-2016 sont très fortement reliées à la vitesse de réchauffement auquel un système forestier fait face, et ce quel que soit son climat moyen initial. Ainsi, les peuplements situés dans les régions qui se réchauffent le plus vite (surtout en hiver et en été) ont vu leur croissance diminuer alors que les peuplements des régions au réchauffement plus modéré ont vu leur croissance augmenter (Fig. 1B).
D’autre part, les tendances de croissance semblent être étroitement liées aux contraintes hydriques des systèmes forestiers. Ainsi, les tendances de croissance négative ont principalement été observées dans les régions où les précipitations estivales et la capacité de rétention en eau du sol sont élevées mais où ces dernières ont diminué au cours de 2006-2016 (Fig. 1C).
Ils ont également mis en évidence que les peuplements les plus hétérogènes en diamètre présentaient les tendances les plus positives (Fig. 1D). L’hétérogénéité de la structure d’un peuplement apparaît donc favoriser sa croissance en contexte d’augmentation des contraintes hydriques et thermales.
L’ensemble de ces résultats constitue une piste intéressante pour développer une gestion forestière augmentant la résilience des peuplements de conifères face aux variations climatiques à venir.
L’efficacité des méthodes développées et l’importance de l’information produite de cette étude démontrent la possibilité de déployer un système de monitoring national des forêts basé sur l’Inventaire Forestier National.
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